Conséquence de l’instabilité politique, des contraintes budgétaires et d'un contexte économique peu favorable, la dette souveraine française connaît une période de turbulences sur le marché obligataire. Si elle demeure fondamentalement bien notée et liquide, quelques inquiétudes apparaissent toutefois.
Ainsi, le spread entre l'OAT et le Bund (obligation d'État allemande retenue comme référence sur le marché obligataire européen) a sensiblement augmenté, atteignant 84 bps au 14 octobre 2025. Dans le même temps, le taux de l'OAT 10 ans a rejoint celui de la dette souveraine italienne, notée BBB+ par S&P, avec un léger écart de 3 bps à la même date. Cette situation pourrait être annonciatrice d'une prochaine dégradation de la notation de crédit de la France.
En matière de financements intragroupe, l’administration fiscale fait preuve d’une vigilance particulière pour s'assurer que les conditions des financements conclus correspondent effectivement à des conditions de marché. Celles-ci sont appréciées à la date de conclusion du financement intragroupe, en tenant compte du risque de crédit de l'emprunteur et des caractéristiques dudit financement.
Une telle situation soulève, a minima, deux enjeux pour la détermination des taux d'intérêt appliqués à vos financements intragroupe.
Impact d'une nouvelle dégradation de la notation française sur les entreprises
Selon les trois principales agences de notation, au 14 octobre 2025, la notation de crédit long terme de la France est :● A+, avec une perspective stable, pour Fitch ;● AA-, avec une perspective négative, pour S&P ; et● Aa3, avec une perspective stable, pour Moody's.
Compte tenu de l'évolution de la situation économique, politique et budgétaire de la France, expliquant les perspectives négatives retenues par une partie des agences de notation, il est possible que certaines agences de notation procèdent à une nouvelle baisse de ces notations de crédit. Pour mémoire, en septembre 2025, Fitch a déjà procédé à une dégradation d'un cran de la notation souveraine, passant de AA- à A+.
En matière de financements intragroupe, l’évaluation du risque de crédit de l’emprunteur, au moyen de la détermination de sa notation de crédit, constitue la clef de voûte pour la rémunération d'un prêt intragroupe.
Dans l'hypothèse d'une nouvelle dégradation de la notation de la France, deux situations principales doivent être distinguées :
● Concernant les entreprises bénéficiant - en raison de leurs liens avec l'Etat - des effets de la probabilité d'un soutien extraordinaire de l'Etat en cas de difficultés financières, la dégradation de la notation souveraine peut, corrélativement, provoquer une dégradation de leurs notations. C'est notamment vrai pour les entreprises dont la notation est alignée sur celle de l'Etat, car les emprunteurs ne peuvent en principe être mieux notés que leur pays. Néanmoins, ce lien de cause à effet doit être apprécié au cas par cas, en fonction du profil de crédit stand-alone de l'entreprise et du degré de probabilité d'un soutien extraordinaire ;
● Pour les autres entreprises, selon leur niveau d'exposition au marché français, l'effet d'une dégradation de la notation souveraine apparaît avant tout indirect, et vraisemblablement moins significatif.
Prise en compte de l'évolution des conditions de financement
La détermination d'un taux d’intérêt de pleine concurrence doit prioritairement s'effectuer par référence aux taux observés au titre de financements comparables conclus entre des entreprises indépendantes. Cette analyse est en principe réalisée en se plaçant à la date de conclusion du financement intragroupe.
Sur ce point, l'augmentation ou la diminution des coûts de financement de la France observés sur le marché a une implication directe sur les conditions de financement des entreprises françaises. En effet, il existe une forte corrélation entre les rendements de la dette souveraine et ceux observés pour les obligations émises par des entreprises françaises et, plus largement, sur l'ensemble des coûts de financement de ces entreprises.
Bien que ce phénomène de hausse des taux d'intérêt demeure encore relativement modéré, il implique que les entreprises emprunteuses françaises risquent de supporter un renchérissement de leurs conditions de financement. Toutefois, le degré de sensibilité de chaque entreprise à ce phénomène devrait varier en fonction de la diversification géographique de ses activités.
Dans ce contexte, la détermination des taux d'intérêt au titre de financements intragroupe accordés à des entreprises françaises suppose de tenir compte des évolutions inhérentes à la dette souveraine. Cette situation plaide également pour davantage de précision dans l'évaluation des conditions de pleine concurrence appliquées à chaque transaction financière intragroupe.