Structurer vos prêts intragroupe : les quatre piliers+

Alors que le durcissement des conditions de financement et la hausse des taux d'intérêt perdurent, le recours à des prêts à moyen ou long terme entre les entreprises appartenant à un même groupe reste une solution particulièrement pertinente.
Néanmoins, le processus de structuration de ces prêts demeure souvent délicat et technique. En la matière, l’administration fiscale fait preuve d’une vigilance particulière. Elle exige aujourd’hui des entreprises davantage de précision dans les justifications attendues. Les questionnements soulevés, tant sur le choix des termes et conditions retenus que sur les modalités de détermination du taux d’intérêt, peuvent engendrer des controverses fiscales destructrices de valeur et complexes à dénouer.
Concrètement, du point de vue de l'emprunteur, il s’agit d’être en mesure d'expliquer qu'il aurait pu obtenir, dans des conditions similaires, un financement auprès de prêteurs indépendants. Pour cela, en plus de l’analyse des activités du prêteur et de l’emprunteur (i.e., l’analyse fonctionnelle), quatre principaux éléments doivent être examinés.

1. Justifier le montant du prêt intragroupe

Dans certaines situations, afin de sécuriser la qualification de dette du prêt intragroupe (particulièrement pour les emprunteurs présentant un risque de crédit élevé), il peut être utile de justifier que l’emprunteur aurait pu obtenir un financement d’un montant équivalent auprès d’un ou plusieurs prêteur(s) indépendant(s).
Pour cela, il s’avère nécessaire :● d’examiner les prévisions de flux de trésorerie de l’emprunteur. Elles permettent d’estimer si, sur la maturité envisagée, l'emprunteur serait raisonnablement en mesure de payer les intérêts et éventuels frais ainsi que de rembourser le montant principal ; et/ou● de comparer certains ratios financiers de l’emprunteur (e.g., les ratios dette nette/EBITDA et EBITDA/intérêts) - après prise en compte du prêt intragroupe -, avec ceux observés pour des entreprises obtenant des financements auprès de prêteurs indépendants. L’objectif est alors de démontrer que les ratios de l’emprunteur apparaissent proches ou meilleurs que ceux des emprunteurs présentant un profil de crédit similaire et ayant obtenu des financements sur le marché.
Cette démarche sécurise la nature de dette du prêt intragroupe.

2. Définir les termes et conditions du prêt intragroupe

Lors de la structuration du prêt intragroupe, une attention particulière doit être portée aux choix des termes et conditions. En effet, l’administration fiscale examine non seulement les taux d’intérêts retenus, mais également le bien-fondé des conditions applicables.
Ainsi, lors de la mise en place d’un prêt intragroupe, il est recommandé de tenir compte des trois impératifs suivants :● Aligner les termes et conditions du prêt sur la nature du besoin de financement de l’emprunteur et sa capacité financière ;● S’assurer que les termes et conditions retenus soient au moins aussi favorables que ceux qu’aurait en principe pu obtenir l’emprunteur auprès de prêteurs indépendants pour un financement similaire ; et● Mesurer les implications des termes et conditions sur le taux d’intérêt, ainsi que son évolution potentielle au fil de la vie du prêt.

3. Évaluer le risque de crédit de l'emprunteur et du prêt intragroupe

L’évaluation du risque de crédit de l’emprunteur, au moyen de la détermination de sa notation de crédit, constitue la clef de voûte de la sécurisation d’un prêt intragroupe. La notation de crédit d’un emprunteur est une opinion quant à sa solvabilité globale. Elle implique d’analyser le profil de risque opérationnel et financier de l’entreprise.
Lorsque l’emprunteur n’a pas fait l’objet d’une notation par une agence, deux solutions principales sont envisageables :● Procéder à l’analyse en appliquant les méthodologies appropriées en fonction du secteur d’activité de l’emprunteur – pratique dite de shadow rating -, par exemple publiées par Moody’s ou S&P Global Ratings, ce qui constitue la voie la plus sûre pour emporter la conviction de l’administration fiscale ; ou● Utiliser un logiciel de rating qui, à partir de données financières, permet de calculer notamment la probabilité de défaut, le taux de perte attendue en cas de défaut, etc. et de traduire ces données en équivalent notation de crédit. Cette solution, longtemps contestée par l’administration fiscale, est désormais admise par le juge de l’impôt.
La détermination de la notation de crédit d’une entreprise appartenant à un groupe doit prendre en compte, lorsqu’il existe, les effets du soutien implicite, i.e., de la probabilité que l’entreprise bénéficie, en cas de difficultés, d’un soutien de la part de son groupe (malgré l'absence d'engagement juridiquement contraignant) lui permettant d’honorer ses obligations financières. Chaque agence de notation mesure le potentiel de soutien implicite et dispose, à cette fin, de sa propre méthode d’analyse. S’il existe, ce soutien se traduira le plus souvent par un rehaussement de la notation préliminaire (dite « stand-alone ») d’un nombre déterminé de crans de notation, aboutissant ainsi à la notation de crédit de l’entreprise.
De plus, le prêt intragroupe doit également être noté afin de tenir compte de ses caractéristiques propres, tels que sa seniorité et l'existence d'éventuelles sûretés. Cette notation de l'instrument de dette servira de fondement pour la détermination d'un taux d’intérêt de marché.

4. Déterminer le taux d'intérêt du prêt intragroupe

Sur la base des trois premiers piliers analysés, il est désormais possible de déterminer un taux d’intérêt de marché. Celui-ci doit prioritairement être défini par référence à des financements comparables conclus entre des entreprises indépendantes, qu’il s’agisse par exemple d’un financement obtenu par l’emprunteur ou une société de son groupe (alors qualifié de « comparable interne ») et/ou de financements exclusivement conclus entre des entreprises indépendantes (« comparables externes »).
Compte tenu de la taille des marchés du crédit, il est fréquemment possible d’identifier des financements comparables, e.g., sous forme de prêts ou d’émissions obligataires, et d’obtenir une marge de crédit ou un intervalle de marge de crédit reflétant les caractéristiques du prêt intragroupe.
En pratique, il s’agit de trouver un équilibre entre : la prise en compte rigoureuse de la notation de crédit déterminée et des termes et conditions du prêt intragroupe ;● l’étendue des données disponibles ; et la fiabilité des ajustements de comparabilité qui pourront être réalisés en cas de différence entre le prêt intragroupe étudié et les financements retenus comme comparables.
Cette démarche aboutit à un intervalle resserré de taux d'intérêt que l'entreprise pourra retenir pour le prêt intragroupe et, si nécessaire, le défendre sereinement en cas d’interrogations de l’administration fiscale.

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